Par Geoffroy ADER, expert en montres et horlogerie de collection
Soyons digital friendly mais restons humains !
Nous sommes tous digital friendly avec une âme humaine, et la convention nationale du Symev ayant eu lieu ce 27 novembre, sur le thème « Commissaires-priseurs, parlez vous digital ? » en a été la parfaite illustration.
Il faut féliciter ici le courage de Jean-Pierre Osenat, le dynamique président du Symev (Syndicat National des Maisons de Ventes Volontaires) qui a su rassembler des intervenants de choix, à la hauteur des attentes de ce public, toutes générations confondues, venu pour comprendre les enjeux du digital dans les années à venir.
Si le Garde des Sceaux en a fait une de ses priorités pour la nouvelle réforme des ventes publiques en France, il fallait aussi avoir la volonté de réunir tous ces jeunes et dynamiques acteurs du digital, qui sont le visage de notre métier de demain, et le Symev l’a fait avec brio, dans une atmosphère détendue.
Un vent nouveau souffle désormais sur le marché de l’art : même si l’humain doit prendre ses marques, tous ces élans des startup du digital sont autant de promesses pour l’avenir, et m’ont donné l’envie de reprendre la plume pour partager avec vous les technologies fascinantes qui nous ont été présentées.
Pour reprendre la célèbre citation de Sir Winston Churchill, qui résume le débat actuel entre les anciens et les modernes. « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté »
Prenons l’exemple de cette institution qui a accueilli en son sein cette belle convention nationale des commissaires-priseurs, l’ACF ou Automobile Club de France. En son temps, elle a pris le pari de l’automobile, et nous connaissons tous la suite : A
ndré Citroën, Ferdinand Porsche, Enzo Ferrari sont autant de destins exceptionnels et humains qui ont façonné l’histoire de l’automobile.
La place de l’humain est au cœur du débat sur le digital car ce sont les hommes et les femmes qui innovent et ont la main dans l’univers du digital ; comment parler d’Apple sans mentionner le nom de son fondateur, Steve Jobs, une icône bien au delà de la Tech ?
La seule chose importante reste la place de l’humain et devant ce panel de jeunes de la French Art Tech, je suis confiant qu’ils ont tous les atouts pour porter haut les valeurs et la tradition d’un marché de l’art qui vit désormais au rythme effréné des blogs, emailings, posts et likes en tous genres, notamment sur Instagram.
Après avoir digéré toutes les informations, je félicite chacun pour avoir su restituer tout le débat dans un contexte Art et Tech allant de la blockchain à l’imagerie 5D, domaines larges et variés qui ont cependant en commun cet esprit startup qui a enfin rayonné dans la salle pour tous les acteurs traditionnels, de tous âges, du marché de l’art.
Dans le prolongement du happening Banksy chez Sotheby’s, suivi de la vente du tableau peint par l’intelligence artificielle chez Christie’s, l’heure a sonné pour tous ces nouveaux acteurs du digital, prêts à bousculer les vieux codes du marché de l’art avec une âme d’entrepreneur et un état d’esprit startup version marché de l’art en 2018.
Christie’s, Sotheby’s et Artcurial l’ont bien compris, à en croire leur importante communauté de followers sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram, regroupant à la fois les admirateurs de la marque – ce qui fait leur force sur le marché – mais aussi mettant en avant chaque département de manière individuelle.
Il ne fait aucun doute désormais que le grand vainqueur des réseaux sociaux encore cette année est Instagram pour tous les acteurs du marché de l’art en France et à l’international. Il suffisait d’écouter Xavier Dominique, jeune commissaire-priseur Ader Nordman et Philippe Ancelin, commissaire-priseur au sein de Drouot estimations avec pas moins de 6 000 followers, pour voir l’impact que peut avoir les réseaux sociaux sur le business d’une maison de ventes volontaires ; si les dix comptes Instagram les plus vus sont ceux des dix premières maisons de ventes en France ce n’est pas un hasard mais bien une réalité économique qui compte.
Comme l’a souligné Romain Sarmiento de Tajan SA, les followers vous suivent et vous like en intégrant votre communauté ; vous anticipez ou créez les tendances, ce travail se fait sur le long terme, vous devez être à la hauteur de toutes les attentes de vos utilisateurs qui ont pour la plupart le désir et l’envie d’acheter et d’avoir le frisson des ventes aux enchères en live, avec le plaisir de vivre une expérience qui reste humaine, ce qui est la devise de Regis Bailleul dont certains ont loué le sens de la mise en scène et cet art du spectacle vivant.
Toutes ces expériences humaines, la petite histoire dans la grande histoire, ce sont tous ces moments magiques de la vie de l’expert et du commissaire-priseur qui attire l’œil de l’univers digital dans un monde merveilleux qu’est celui du marché de l’art.
Le digital est sans nul doute le plus bel amplificateur de tranches de vies du marché de l’art et nous devons tous embrasser ce média qui nous propulse vers le plus grand nombre.
Oui, ce métier c’est un peu de savoir mais aussi beaucoup de savoir-faire, et tous ces acteurs du digital ont un talent incroyable dans ce domaine. Ils savent mettre en valeur ces petits détails qui nous paraissent anodins mais sont autant de merveilles pour les néophytes qui ne connaissent pas la salle de vente aux enchères.
Voilà ce qui fait que le digital est magique ; c’est la perception de l’œil et c’est quand même le sens le plus important pour aimer et acheter de l’art.
C’est ce qu’a justement démontré Grégoire Debuire de la société Artmyn, ancien commissaire-priseur de Christie’s, convaincu avec passion de la force de son outil digital.
Directeur du développement de cette startup Suisse, le pays de la belle horlogerie et de la mécanique de précision, il a apporté lui aussi une nouvelle dimension 5D à la perception de l’art, grâce à l’image digitale. Sa présentation a été époustouflante avec des images qui vous font rentrer dans l’oeuvre et toute sa matière ; un monde que l’on ne voit pas sans le scanner digital. Un moment poétique mais aussi technique ; voilà une vision humaniste du digital au travers de son application très concrète.
La salle s’est soudain assombrie et les images sont apparues ; nous étions tous ébahis, et pour ma part comme les autres je me suis dit : « waouh ! » : une immersion totale dans l’œuvre ; vous pouvez naviguer dans l’objet, le voir sous ses angles, y compris en jouant avec la lumière : c’est tout simplement magique !
Mais sans doute la révolution technologique qui est à même de nous faire réfléchir sur le rôle de l’humain est bien la blockchain ; un vrai changement qui touche tous les domaines et risque de bouleverser nos vies dans leur organisation au quotidien, ce qui sera sans doute le moins visible mais le plus efficace.
En effet, au travers de la brillante explication de Benoit Coffin, sans doute difficile dans sa première approche, on se place dans un registre qui est organisationnel et non émotionnel, ce qui est sans aucun doute très difficile à appréhender pour le marché de l’art. Mais la vente aux enchères est aussi une organisation qui nécessite des outils – et j’insiste sur l’outil – pour que l’humain garde le contrôle, au final.
Qu’est ce que cela sous-entend ? Il va falloir être selon moi à la hauteur de cette nouvelle technologie, nous les acteurs du marché de l’art.
Et qu’on le veuille ou non, la blockchain fait déjà partie du marché. Le leader mondial des enchères Christie’s, après avoir débattu sur le sujet en juillet dernier à Londres, a d’ores et déjà fait un essai en cryptant les données de sa dernière vente Ebsworth, qui a établi de nombreux records à New York en novembre dernier.
Ce sujet sera certainement l’objet de débat et de vives réactions mais peu importe, tant que les données restent sous le contrôle de l’humain, c’est le défi pour les années à venir. Je le dis à ceux dont le scepticisme demeure sur ce sujet : la technologie avance et nous devons tous être prêts pour les années à venir à mettre en avant le rôle unique et primordial de l’humain dans cet univers.
Et dans ce domaine, l’expérience humaine incroyable qu’a dû vivre Emmanuel Moyrand, co-fondateur de Monuma, primé pour cette nouvelle application au Consumer Electronic Show 2018 de Las Vegas, en est l’illustration parfaite.
Si pour certains ce salon ne veut pas dire grand chose, il est à la techno ce que Maastricht est à l’art, donc être parmi les meilleurs relève d’un travail de titan en tant que jeune entrepreneur.
Oui, nous sommes des humains qui allons accompagner le mouvement de toutes ces révolutions technologiques et j’espère aussi que le législateur, les deux députés qui sont venus dans la salle, l’auront bien compris afin que l’on soit tous avec les mêmes chances de s’exprimer au travers des outils nouveaux du digital.
Monuma a lancé un pavé dans la marre de l’expertise traditionnelle, avec son outil digital qui propose un service de reconnaissance des œuvres par l’expertise digitale. Tout laisse à penser que cette révolution technologique est sans aucun doute le mouvement de notre société de demain.
Oui, il y aura de l’expertise automatisée et de la blockchain, pas seulement dans l’art mais aussi et surtout dans la médecine, et ce ne sont que les prémisses mais bien au delà ce sont pour nous tous acteurs du marché un moyen de regarder le monde de demain autrement. Nous devons être conscients du rôle primordial de l’humain ; il est temps de bien prendre conscience de cela.
Voilà pourquoi je m’adresse à vous, acteurs du digital, pour vous dire que vous nous avez offert un exemple de ce qui fait de mieux dans l’aventure humaine : « avoir cet esprit de conquête et de découverte ».
Chacun à votre manière, vous avez décrit les expériences qui sont les vôtres, vous m’avez donné l’envie de continuer à écrire sur ce sujet qui est passionnant et j’aimerais à mon tour partager avec vous une anecdote.
Si les montres sont les objets les plus en vue sur le digital et Internet, il ne faut pas oublier que cet objet de collection a une âme, son balancier vibre comme celui des battements du coeur humain, alors soyons ensemble les acteurs de la révolution numérique du marché de l’art de demain.
Nul ne peut dire que le marché de l’art ne sera pas digital, il exigera de nous encore plus d’humain et pas l’inverse, soyons tous des startup du marché de l’art, prenons exemple sur cette génération qui innove à tous les niveaux !
Luttons contre les conservatismes qui sont d’un autre temps, d’une époque révolue où les corporatismes n’ont fait que renforcer les scepticismes des uns et des autres, mais ne laissons personne sur le bord de la route.
Il est temps de se libérer et d’aller de l’avant tous ensemble, soyons tous à la fois « digital friendly » mais aussi humains.