Réunis en États-généraux à l’initiative du Symev, les commissaires-priseurs français ont rédigé collégialement trois motions exprimant la vision stratégique et le plan d’action défendu par leur profession pour les mois à venir. Voici la première de ces motions, rédigée lors d’un atelier présidé par Damien Leclere et Christophe Blanc :
Motion n°1
“Pour une reconnaissance du métier de commissaire-priseur”
Jusqu’à la fin du XXe siècle, les commissaires-priseurs français se définissaient avant tout par leur statut d’officier ministériel ayant le monopole des inventaires judiciaires et des ventes aux enchères publiques d’objets mobiliers corporels. Puis, avec les lois de libéralisation de 2000 et 2011, donnant naissance aux commissaires-priseurs de ventes volontaires, cette définition purement statutaire est devenue caduque.
Depuis cette réforme, il est donc désormais nécessaire de mener une réflexion sur les traits distinctifs permettant de caractériser les commissaires-priseurs par-delà leurs différents statuts. Avec l’adoption de la loi dite Macron programmant la dilution des commissaires-priseurs judiciaires au sein des “commissaires de justice”, cette démarche collégiale est maintenant devenue une nécessité vitale.
En effet, pour définir le métier de commissaire-priseur, la référence à l’histoire pluriséculaire de notre profession ne suffit plus. Dans un monde en mutation accélérée, il faut adjoindre à cette identité d’héritage, une identité de projet. Les circonstances exigent en effet d’impulser une dynamique collective capable de fédérer des professionnels connus pour leur propension traditionnelle à cultiver leurs particularismes.
C’est pourquoi, rassemblés en Etats-généraux et conscients de notre responsabilité collective, nous, commissaires-priseurs, affirmons solennellement être réunis par :
– Notre attachement indéfectible au beau nom de “commissaire-priseur” pour désigner notre profession au-delà de toute connotation statutaire ou dénomination officielle. En effet, ce nom issu de notre histoire définit parfaitement notre métier et ne saurait être abandonné tant il est spontanément compris par tous.
– Notre conviction que, par-delà leurs différences statutaires, tous les commissaires-priseurs sont unis, dans la vente aux enchères volontaire, par une même passion et un même corpus de traditions, de pratiques, de savoir-faire et de déontologie qui les distinguent radicalement des autres professions de la vente, du droit, du chiffre, de l’exécution, du marché de l’art, et bien sûr, des sites de ventes en ligne.
– Notre certitude que la valeur ajoutée du commissaire-priseur ne tient pas à la seule habilitation à tenir le marteau et à adjuger un objet, mais à une somme spécifique de compétences, de savoir-faire, de pratiques professionnelles et de règles déontologiques lui permettant de reconnaître les objets, de les “priser” et d’apporter ainsi aux ventes un niveau de confiance sans équivalent.
– Notre confiance en l’avenir des enchères, mode de ventes permettant, mieux que tout autre, la détermination du “juste prix” des objets dans des conditions uniques de publicité et de transparence, extrêmement protectrices tant pour le vendeur et l’acheteur que pour les tiers.
– Notre attachement à la formation initiale spécialisée exigée des commissaires-priseurs français, y compris dans leur dimension “volontaire”, gage d’un socle de compétences contribuant à les distinguer de la plupart de leurs confrères étrangers.
– Notre pleine conscience de la dimension sociale et humaine de notre métier, également basé sur la qualité des rapports interpersonnels directs, la capacité à écouter, conseiller et accompagner les clients, notamment en nouant avec eux des relations durables fondées sur la confiance, la disponibilité, la loyauté, la passion partagée et l’excellence du service rendu.
– Notre détermination à maintenir un service de proximité passant par un maillage territorial complet, impliquant notamment la volonté collective de trouver les moyens d’assurer la pérennité des structures de tailles diverses, situées en dehors des grandes métropoles et la préservation des lieux d’exposition et de ventes physiques, véritables écrins pour les objets d’art.
– Notre ferme résolution de conjuguer enracinement local et projection à l’international, en recourant notamment aux possibilités offertes par les technologies numériques pour exister dans un marché toujours plus mondial et concurrentiel.
– Notre conviction que les enchères, loin d’être réservées à une quelconque élite intellectuelle ou financière, ont vocation à toucher un public aussi large et diversifié que les objets de toutes natures proposés à la vente.
– Notre attachement à la liberté d’entreprendre, car dans un monde en mutation accélérée, les commissaires-priseurs sont aussi devenus des entrepreneurs conscients de la nécessité d’innover, de se remettre en question, d’expérimenter de nouvelles façons de travailler, de se renouveler et même de réinventer leur métier.
– Notre vif souhait de contribuer, par notre action et notre maillage territorial, à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine, à l’accès du plus grand nombre à la culture, à l’attractivité des territoires et au rayonnement culturel de la France.
Fort de cette réflexion collégiale, nous, commissaires-priseurs français déclarons avoir pleinement conscience que l’identité de notre métier ne tient pas à une quelconque définition statutaire, mais bien à une somme singulière de compétences, de savoir-faire et même de désirs absolument irréductibles à un quelconque référentiel figé parce qu’elle s’enrichit perpétuellement de l’expérience toujours renouvelée de professionnels passionnés.
Pour une formation initiale assurée par les professionnels
C’est pourquoi, conscients que cet inestimable legs commun doit être pérennisé, enrichi, partagé et transmis, nous, commissaires-priseurs, affirmons solennellement notre ferme volonté de prendre en charge, de façon collégiale et indépendante, la formation des nouvelles générations de commissaires-priseurs.
En effet, nous avons la conviction que seuls des professionnels aguerris par des années de pratique passionnée du métier sont en mesure de transmettre efficacement aux futurs commissaires-priseurs les armes intellectuelles et morales qui leur permettront de relever avec loyauté et agilité les défis d’un univers professionnel en mutation accélérée.
Pour cette raison, nous sommes également résolus à multiplier les initiatives visant à assurer la formation des commissaires-priseurs, la diffusion de bonnes pratiques et des pratiques innovantes, de façon à maintenir et même renforcer les hauts standards de qualité de notre profession. Nous sommes en effet convaincus que l’amélioration continue de la qualité de nos services, notamment par l’édition et la promotion de labels ou de chartes qualité, contribuera de façon déterminante à garantir la reconnaissance des services rendus par notre profession pour le plus grand nombre.
En conséquence, nous mandatons le SYMEV pour qu’il prenne toutes les initiatives nécessaires à la mise en œuvre de ce projet, notamment en l’exposant aux autorités publiques concernées.