Dans sa livraison d’octobre, le magazine Vox Patrimonia analyse la croissance stupéfiante du marché des objets anciens. Un phénomène qui, selon les experts en marketing et les sociologues, “ne s’explique pas seulement par la crise économique actuelle mais par une tendance plus profonde appelée à perdurer : le goût pour les objets porteurs d’histoire et de sens”. Voici quelques morceaux choisis de cette enquête qui cite à plusieurs reprises des commissaires-priseurs membres du Symev.
Un marché en plein essor
« Une récente étude réalisée par le groupe Xerfi évalue ainsi à 2,3 milliards d’euros, le chiffre d’affaires HT réalisé par les enseignes spécialisées dans la revente de produits d’occasion (1). Et encore, ce chiffre n’intègre pas les transactions réalisées entre particuliers sur les sites tels que Ebay ou Priceminister. Or ceux-ci sont devenus des acteurs essentiels de ce marché. Comme le relève Valérie Guillard, chercheuse au sein de Dauphine Recherche en Management, « en 2011, 58 % des individus ont revendu un objet d’occasion sur Internet ». Et de préciser que la même année, le site Priceminister.fr enregistrait déjà « 11 millions d’utilisateurs par mois avec 100.000 vendeurs actifs et 160 millions de produits vendus » (2) ! »
Changement de valeurs
« Sociologue du marketing et auteur d’un récent ouvrage sur les nouvelles façons de consommer (3), Ronan Chastelier estime que nous assistons plutôt à une mutation de fond : « La dimension conjoncturelle se juxtapose à la dimension philosophique : je consomme moins et mieux, je recycle, je chine, je reviens à des valeurs anciennes ». Autant que le porte-monnaie, c’est donc une certaine vision du monde et de la vie qui incite nos contemporains à se tourner vers l’ancien. « Acheter d’occasion peut-être fun et créatif, ce n’est pas toujours parce que c’est low cost que l’on va sur Ebay. C’est pour cela que je parle de néo-épicurisme, lorsque l’on allie une forme de pragmatisme économique à une idée de lifestyle », poursuit-il (4). »
Désir de singularité
« Une double dimension également perçue les acteurs traditionnels du marché de l’ancien que sont les commissaires-priseurs de vente volontaire. En mars dernier, Valérie Bouvier, directrice de l’Hôtel des ventes de Coulommiers dirigeait des enchères pour le moins originales sur le thème « Premier appart : se meubler à moins de 1000 € ». Mais elle ne manquait pas d’ajouter que « cette initiative ne s’inscrit pas seulement dans le contexte actuel de crise économique et sociale. Elle vise plus globalement à répondre au désir de nos contemporains d’affirmer leur singularité en se détournant des productions uniformisées et standardisées pour acquérir de préférence des objets uniques ». »
Refus de la massification
« Dans une note d’analyse réalisée voici quelques mois, le Syndicat national des maisons de vente volontaire (Symev) estimait même que le regain d’intérêt pour les objets anciens serait un trait constitutif de la postmodernité. « Écœurés par la frénésie de consommation et par le “tout jetable”, nombre de nos contemporains refusent désormais ce gaspillage. Partisans du “développement durable”, ils souhaitent tout naturellement posséder des objets durables. » L’ancien est en effet aussi synonyme de qualité. Il traduit un rapport différent aux choses et au temps. « Après l’ère industrielle, marquée par l’uniformisation et la standardisation, des modes de vie et de consommation, nos contemporains souhaitent à nouveau se distinguer », observent les experts du Symev. » (5). »
Notes :
(1) « La distribution de biens de consommation d’occasion », Groupe Xerfi, janvier 2013.(2) « L’émergence de nouvelles entreprises pour gérer les objets d’occasion : quels enjeux ? », par Valérie Guillard, in L’état des entreprises 2013, Éditions La Découverte, novembre 2012.
(3) Tous en slip ! Essai sur la frugalité contemporaine et le retour aux valeurs simples, par Ronan Chastelier, Éditions du Moment, mars 2013.
(4) Cité in Marketing Magazine, juin-août 2013.
(5) La Revue du Symev n°5, novembre-décembre 2012.
Un commentaire to “Engouement pour les objets anciens : chasse aux bonnes affaires et quête de sens !”