« Les députés et gouvernements successifs ne comprennent-ils rien au marché de l’art et à son impact pour la conservation du patrimoine en France ? Ou ne s’intéressent-t-ils définitivement pas à ces sujets ? Peut-être les deux, hélas… » observe Didier Rykner dans un récent article de La Tribune de l’Art à propos du projet d’augmentation de la TVA à l’importation sur les œuvres d’art. Comme d’autres experts, il souligne que ce projet ne va pas seulement mettre en difficulté les acteurs français du marché de l’art par rapport à leurs concurrents étrangers avantagés fiscalement, mais qu’il va également menacer le patrimoine artistique français et même l’enrichissement des collections publiques. Voici quelques extraits significatifs de son argumentation percutante :
- « L’importation d’une œuvre d’art est une richesse pour la France. Contrairement à une marchandise ordinaire, manufacturée à l’étranger et que l’on importe en France, qui se traduit par un appauvrissement financier pour notre pays par rapport à un bien qui y serait produit et consommé, l’importation d’une œuvre d’art enrichit notre pays, et une exportation l’appauvrit. Bien sûr, pour comprendre cela, il est nécessaire de se placer d’un point de vue patrimonial et culturel, pas d’un point de vue uniquement financier. Il est donc absurde de taxer fortement une opération qui enrichit notre pays. »
- « La différence de TVA à l’importation entre la France et nos voisins, notamment le Royaume-Uni, crée une différence concurrentielle telle qu’elle découragera les étrangers (hors Communauté européenne) de vendre en France et les incitera à vendre en Angleterre. Plutôt que de venir vendre à Paris dans le cadre de Paris-Tableau, une galerie américaine choisira une foire hors de France. Plutôt que de choisir une vente aux enchères à Paris, un collectionneur décidera de vendre à Londres.
Or, nous l’avons dit bien des fois, notamment à propos de l’ISF sur les œuvres d’art : la vente d’œuvres d’art en France et le développement des collections particulières dans notre pays permettent à terme l’enrichissement de nos musées, au service de tous, pauvres comme riches. » - « Un collectionneur français qui voudrait acquérir un tableau aux États-Unis et le ramener dans notre pays paierait un surcoût de 10% uniquement en raison du lieu de son achat : comment mieux les décourager, alors qu’ils sont, rappelons-le, l’une des sources principales d’enrichissement de nos musées, souvent à titre gratuit par des dons et des legs ? »
- « Veut-on encore diminuer le nombre des acheteurs français, un chiffre déjà en chute libre en raison des hausses d’impôts et de l’émigration vers des contrées fiscalement plus accueillantes de nombreux collectionneurs ? Répétons le : moins de collectionneurs en France signifie moins de dons pour nos musées (moins de dations aussi). Rappelons également que les musées français, pour de multiples raisons bien compréhensibles, achètent plus facilement dans une vente aux enchères ou chez un marchand français qu’ils ne le font à l’étranger. »
Pour aller plus loin : consulter l’article de Didier Rykner de La Tribune de l’Art.